Hommage à Pierre Berthout, Président de l’Association Européenne Nicolas Abraham et Maria Torok
Pierre BERTHOUT
Pierre Berthout, psychologue clinicien, psychanalyste du 4è Groupe (OPLF), était membre de l’Association Européenne Nicolas Abraham et Maria Torok depuis 2000 et président depuis 2011. Il nous a quittés brusquement à 67 ans, le 12 juin 2013, et nous lui rendons hommage.
Nous retraçons le parcours professionnel de Pierre Berthout avec l’aide de Claude Nachin, qui travaillait avec lui depuis plus de 30 ans. Pierre Berthout est arrivé à Amiens comme jeune psychologue clinicien dans le secteur de la regrettée Josette Déhu. Il venait de Lille où il avait travaillé avec Zéna Helman, héritière intellectuelle d’Eugène Minkowski et de Françoise Minkowska, dans une perspective phénoméno-structurale. Mme Helman était venue à Amiens avec Pierre Delaunay, professeur puis ami de Pierre Berthout, passé aussi de la phénoménologie à la psychanalyse.
Avant la venue de Pierre Berthout sur Amiens, Claude Nachin était arrivé en 1969 comme psychiatre du C.H.S. Philippe Pinel et il avait créé le groupe de travail psychiatrique d’Amiens avec le concours des collègues et des internes d’alors. Ce travail s’est poursuivi avec l’arrivée du Pr Jean Delahousse. A la fin 1976, le groupe de travail psychiatrique d’Amiens basé à l’hôpital Pinel, mais sans statut associatif a été remplacé par l’Institut collégial de santé mentale de Picardie qui continue sa vie avec la présidence du Pr Christian Mille. Pierre Berthout a animé un travail de formation sur les psychoses au C.H.S. Pinel, en particulier autour de l’œuvre de H.F.Searles.
Tout en ayant une activité multiforme au C.M.P.P. Henri Wallon, au Foyer Vie Libre pour les anciens buveurs et autour des appartements thérapeutiques, Pierre Berthout a pratiqué la psychothérapie analytique à l’hôpital et au dispensaire dans le cadre de la psychiatrie publique de secteur.
Pierre Berthout a participé avec Claude Nachin à un groupe de travail psychiatrique avec les étudiants de psychiatrie qui s’est transformé ensuite en groupe psychanalytique avec deux séances par mois, puis ces dernières années avec une seule séance. Pierre a été le co-animateur de ces groupes jusqu’à la dernière séance de mai 2013.
Apprécié sur Amiens, il avait notamment fait en avril 2011, une belle conférence à la Faculté de Médecine d’Amiens » Gérard GAROUSTE ou le passage à la création « . Il essayait d’entrecroiser une histoire personnelle et familiale difficile avec la question de la part énigmatique de la création artistique.
Pierre Berthout est venu travailler à l’Association Européenne Nicolas Abraham et Maria Torok en 2000. Il a été très impliqué dans la réalisation de nos colloques de 2000 et 2004. Il a participé à un séminaire avec Jean Claude Rouchy, co-fondateur et ex premier secrétaire général de notre association pendant de nombreuses années. Pierre est devenu membre du C.A. puis depuis trois ans, il était président de notre association à la succession de Claude Nachin qui alors a été vice président. Tous les deux continuaient à faire un grand travail d’équipe au bureau. Ces dernières années, Pierre Berthout avait animé avec Claude Nachin dans l’association, deux séminaires de formation à Lille et deux à Paris, dont le dernier avait eu lieu le 24 et 25 mai 2013, moins de 3 semaines avant sa disparition. Il avait enchanté les participants par sa manière de partager son savoir et d’animer ses cas cliniques.
Dans nos journées scientifiques, il apportait des recherches originales et appréciées qui témoignaient de sa culture riche et variée et de sa belle pratique analytique. Par exemple, le 4 octobre 2008 il avait présenté un beau travail sur « L’écriture et le livre ». Le 3 octobre 2009 son intervention portait sur : « Entre Hannibal Lecter et Sean Connery : le travail du fantôme ». Le 2 octobre 2010 il nous avait parlé du peintre « Gerard Garouste ou le passage a la création. » Et le 8 octobre 2011 il présentait une clinique « Le patient désolé. »
Dernièrement, à la journée scientifique du 23 mars 2013 : « Clinique des états psychotiques », son intervention avait été encore aimée et remarquée. Il nous avait présenté un beau cas clinique « Béatrice ou une histoire d’ailes » et il nous rappelait suivant son dire « Comment Nicolas Abraham et Maria Torok se sont attachés après Ferenczi, à montrer que dans nombre de cas, la fonction de l’analyste serait justement de promouvoir la manifestation de la réalité traumatique qui souvent, parce qu’elle est dévastatrice, s’entoure de silence ». Nous relirons avec attention ses écrits, notamment son article de 2006 : Cryptonyme et mots du traumatisme, issu de son intervention du Colloque de 2004 et publié dans Psychanalyse, histoire, rêve et poésie, sous la direction de Claude Nachin, chez L’harmattan ; Et son beau texte de 2012 sur « Blaise Cendrars : l’Utopie (dans son étymologie première : « non-lieu ») ou Bourlinguer (dans tous les sens du dictionnaire). »
Pierre Berthout a eu le bonheur d’être père et grand père et parlait avec ses collègues intimes de sa famille avec chaleur, ainsi que de son chien et des chevaux. Claude Nachin dit qu’il partageait avec lui une certaine pudeur dans l’expression des sentiments : « Je le vois en face de moi et à côté de moi, échangeant des regards et des paroles chargés d’émotions discrètes concernant nos patients, mais aussi et surtout notre famille et nos amis. Quarante ans de connaissance, plus de trente ans de travail en commun, une amitié qui s’est approfondie au cours des douze dernières années, c’est dire la douleur que je ressens depuis qu’Agnès, sa femme, m’a annoncé la catastrophe, et que je partage avec ses proches, ses collègues et ses amis. »
Pierre Berthout était estimé par ses collègues, amis et membres de l’association européenne N Abraham et M. Torok, ce que les témoignages et les hommages confirment.
Chantal Rodet : » J’ai toujours apprécié ce qui provenait de lui et de son travail tout au long des années où je l’ai connu à l’Association : sa pertinence associée à sa discrétion et à sa délicatesse dans tout ce qu’il pouvait faire ou dire, son positionnement excluant toute polémique, constructeur d’abord, son auto-analyse quand il évoquait ses situations cliniques, son absence de langue de bois très précieuse, son humour… «
Frédéric Tordo : » C’est un merveilleux conteur de la clinique qui disparait. Il est à ma mémoire le premier praticien que j’ai vu s’exprimer lors d’une journée scientifique de notre association. Sa présentation partait d’un cas clinique, comme toujours avec lui, avec de nombreux détails qui rendaient son intervention si vivante. On parvenait à se mettre à sa place, mais aussi à celle de son patient, comme si on y était, comme si on la vivait, et de deviner par là même toute l’empathie qu’il nourrissait dans sa clinique. Pierre était non seulement un grand conteur de la clinique, mais aussi plein d’un humour bienveillant. Je garderai de lui cette image, et l’en remercie pour cela « .
Pascal Hachet : » Nous garderons le souvenir d’un collègue très sympathique, capable d’être présent sans se montrer dominateur, rassurant, pudique, plein d’humour et trop modeste quant à la valeur de ses travaux. Il va nous manquer. » Mme Marie-Madeleine Jacquet : « On aimait les interventions diversifiées et riches de Pierre Berthout. Ses observations cliniques, le travail en collaboration avec Claude Nachin autour des fantômes et du deuil, et plus particulièrement son intervention sur Gérard Garouste, quelle merveille ! «
Silvia Feitel et Edith Schwalberg : » Il est difficile de dire que Pierre Berthout n’est plus parmi nous, tant sa présence était évidente dans la communauté que nous formons autour de la pensée de Nicolas Abraham et Maria Torok. Pierre qui tellement souvent lors des journées scientifiques nous disait l’histoire d’un patient qu’il avait entendu, porté, soigné, pressentant, dépistant le Fantôme qui le hantait. Pierre nous laisse le souvenir d’un psychanalyste engagé, éclairé, se mettant perpétuellement en question, mettant constamment en jeu son Contre-Transfert, allant chercher le patient là où il se trouvait, l’accompagnant sans jamais être indifférent à sa souffrance. Lorsque Pierre présentait un cas clinique c’était avec la plus grande simplicité, ce qui n’empêchait pas d’entendre l’ouverture et la liberté qui inspiraient sa pratique. La communauté psychanalytique perd un psychanalyste de talent, à l ‘ « Association Abraham et Torok » nous perdons un ami, un homme ouvert et cultivé, curieux aussi bien de Garouste que de Georges Arthur Goldschmidt. Nous garderons de lui l’image d’un collègue bienveillant, d’un homme essentiellement bon. »
Elisabeth Darchis : « C’est au cours de notre colloque de 2004 que j’ai rencontré Pierre Berthout et déjà j’avais remarqué sa sagesse et son humour. Depuis que je suis entrée au CA, puis au bureau en 2012, j’ai eu l’occasion de travailler associativement avec Pierre et j’ai apprécié sa générosité, son ouverture, ses propos directs, son implication et son souci de disponibilité. J’avais ressenti un véritable travail groupal en entrant au CA et au bureau ; et Pierre était un des membres importants du groupe qui faisait du lien et qui apaisait dans la sécurité qu’il transmettait. De même, j’ai apprécié son approche pointue, son attachement aux thèses de Nicolas Abraham et Maria Torok, ses interventions lumineuses et concrètes au cours des journées scientifiques ou lors de séminaires, comme son dernier où il faisait équipe avec Claude Nachin et que j’ai eu la chance de partager en mai 2013. J’ai pu encore y percevoir cette grande figure de patricien de la psychanalyse qui partait de sa clinique concrète, d’une expérience en séance vécue et partagée, et où la théorie en apparence sous jacente, restait forte et claire. Il nous manquera, mais nous nous souviendrons. »
Serge Tisseron : « Je garde de Pierre Berthout le souvenir d’un regard, d’un sourire et d’une parole : un regard bienveillant qui ouvrait la confiance, un sourire malicieux qui invitait à s’interroger sur ce qui nous paraissait d’abord trop évident, et une parole toujours lumineuse et modeste. Je garde de lui le souvenir d’une personnalité attachante, et le regret de ne pas l’avoir connu mieux. »